Le Gouvernement d'Ottawa a fait un traité avec les Métis du N. en 70. Pour ne mentionner que la stipulation au sujet des terres, il fut convenu que les Métis en auraient le septième. Cette garantie formelle fut donnée à tout le N. O. et fut inaugurée dans le Manitoba où sur une superficie d'à peu près 9,300,000 acres, il y eut un octroi de 1,400,000 en faveur des Métis résidents. Parce qu'une certaine répartition de cet octroi entre les enfants des chefs de familles métisses donna dans le Manitoba une part de 240 acres à chaque individu bénéficié, le gouvernement d'Ottawa fait semblant aujourd'hui de n'avoir à satisfaire les Métis qu'individuellement en leur donnant chacun 240 acres. Son but est de laisser traîner sur ce ton la question jusqu'à ce que l'émigration orangiste ait complètement pris la haute main des affaires du N.O. Et alors le gouvernement d'Ottawa dirait aux Métis: «Je ne vous dois plus rien.» Recourant à un sophisme d'abord pour éluder ses obligations, c'est ainsi qu'il se prépare à frustrer entièrement l'élément Métis de son septième des terres, c'est-à-dire d'environ 176,000,000 acres. En mars dernier les Métis de la Saskatchewan signaient des pétitions et les envoyaient au Gouvernement de la Puissance qui, pour mettre un terme à leur agitation constitutionnelle plaça sourdement le pays sous le régime militaire et déguisé de la Police Montée, entreprit d'empêcher les assemblées publiques et paisibles, et finit par répondre aux pétitions par l'emploi de la force armée. En face d'une pareille tyrannie les Métis n'eurent qu'à se mettre en défense. Ils furent écrasés. Et le gouvernement d'Ottawa se donne maintenant la jouissance de les enchaîner, de les envoyer au pénitencier, de les condamner à mort. Il fait tout ce qu'il peut pour me décapiter moi-même, parce que c'est avec moi qu'il a traité en 70; parce que je ne veux pas abandonner les droits consacrés par le traité et que je demeure en dépit de ses efforts, le représentant reconnu d'une cause qu'il voudrait étouffer. Le séjour du pays de ma naissance m'est devenu inhabitable je puis dire, depuis quinze ans, tant la persécution du gouvernement d'Ottawa contre moi est acharnée. Vers le 17 de mai 1880 je déclarai mon intention de devenir citoyen américain. Vers le 16 de mars 1883 à Helena, Montana je renonçai de bonne foi à l'allégeance anglaise. Et mon séjour continu dans les Etats-Unis ayant duré cinq années je fus admis à mes papiers de naturalisation définitive. Or voici la position que je prétends occuper dans la République américaine. Le choix que les Métis ont fait de moi en 70 et l'appui qu'ils ont continué malgré tout, à me donner jusqu'à aujourd'hui, font de moi le premier représentant du titre indien dans l'immense territoire du N. O. En traitant avec moi en 70 le gouvernement d'Ottawa m'a reconnu officiellement. Parce qu'il n'a pas exécuté son traité vis-à-vis de moi quelques soient les actes de persécution dont il m'accable, vu que je n'ai jamais compromis d'un iota à la cause métisse j'en demeure le champion. J'ai droit de déclarer non avenu le traité que la Puissance a fait avec moi et qu'elle ne remplit pas. Et de fait je le mets de côté, ce traité, je le répudie. Et ce droit de disposer de mon territoire que l'Angleterre et le Canada m'ont reconnu, en traitant avec moi en 70, je l'affirme et le proclame. Et en ma qualité de citoyen américain je pense que, sans léser, en aucune manière le droit international, je fais partie de la république avec mes gens, les Métis et avec mon pays indien, comme tant d'autres chefs sauvages américains qui font partie des Etats-Unis avec leurs tribus et leurs terrains, même avant d'avoir traité avec le gouvernement de Washington. Puisque par leur conduite ingrate à mon égard il apparaît que l'Angleterre et la Puissance n'ont traité avec moi en 70 que pour se ménager les moyens d'une entrée paisible mais de mauvaise foi, dans le territoire du N. O. puisque pour avoir mon pays, sans le payer, elles m'ont rejetté et rejetté les obligations de leur traité avec moi, j'invoque le droit des gens qui n'a de formule que pour faire rendre à chacun ce qui lui appartient. Car c'est ce droit des gens qui fait que mon territoire est à moi, tant que je ne le cède pas; ou tant qu'on ne remplit pas les conditions auxquelles je le cède et qui fait que ceux qui ont conclu avec moi le pacte de confédération au sujet du N. ne peuvent ni me rejetter comme ils le font, ni rejetter leurs stipulations sans également rejetter mon territoire. J'invoque le droit international en vertu duquel lorsque j'étais sujet anglais je pouvais céder mon pays à la puissance ou à l'Angleterre et en vertu duquel aussi maintenant que je suis citoyen américain je puis céder mes terres aux Etats-Unis. Selon le droit international lorsque j'étais sujet anglais je l'étais avec mon droit au sol. Mais à présent que je suis citoyen américain est-ce que ce droit international ne veut pas que je sois citoyen américain avec tous mes droits d'auparavant, avec tout mon titre d'indien, au sol du N. O.? Je le déclare donc; mes papiers de naturalisation américaine ont effacé la ligne entre le N. O. et les Etats-Unis et comme citoyen de la République je fais humblement au gouvernement de Washington les ouvertures suivantes au sujet de nos terres: 1. S'il prend la même vue que moi de la ligne internationale et s'il l'efface depuis le lac Supérieur jusqu'à l'Océan Pacifique; 2. S'il appointe l'Honorable Juge Taylor actuellement consul à Winnipeg Gouverneur Général des territoires du N. O. 3. S'il m'appointe premier ministre et Secrétaire de l'Honorable Taylor. 4. S'il prend possession du N. O. doucement sans même faire de rigueurs à nos ennemis. 5. S'il introduit bonnement dans le N. O. la constitution américaine et sa manière d'administrer les territoires américains. 6. S'il lui plaît de s'engager à amener tous les sauvages des E. U. dans le N. O. et à les désarmer pour tâcher d'en faire des cultivateurs et des pasteurs de troupeaux. 7. S'il lui plaît de reconnaître et de garantir aux Métis un septième des terres du N. O. et aux sauvages un autre septième de ces terres. En retour moi-même je signerai et passerai au Gouvernement de Washington un septième de toutes les terres dans l'immense territoire du N. O. Louis «David» Riel.