Monseigneur, J'ai eu le plaisir de voir avant leur départ le Révd Monsieur Dugas et le bon Père Lacombe. Ils m'ont annoncé que la santé de votre grandeur n'était pas très bonne. Je m'en afflige. Je voudrais que votre santé vous soit conservée bien longtemps. Monseigneur, Je vous remercie de ce que vous avez bien voulu faire cette autre année pour ma petite Soeur Henriette. Que Dieu vous en récompense! Si, un jour, je réussis comme je l'espère, comme je le demande à Dieu et comme mes amis m'aident à réussir, je tâcherai de me bien souvenir du bien que votre grandeur daigne faire à notre famille surtout sous le rapport de l'éducation. Monseigneur, je crains que cette lettre-ci ne soit interceptée. Pour obvier à cet inconvénient, mon ami Lépine et autres sont priés par moi de vous demander en mon nom votre appui si considérable et d'assurer par là ma réélection. Je crois que si je suis réélu le gouvernement Fédéral va se trouver dans une mauvaise passe, car je ne suis pas pour le laisser tranquille, tant qu'il ne nous satisfera pas. Il faut qu'il rende justice, ou que les hommes de cette administration rende le pouvoir. Quebec a besoin et surtout les hommes du parti conservateur ici ont besoin que nos questions de l'amnistie et du gouvernement responsable ne soient pas compromises. Ces questions étant les seules demeurées toutes vives à l'horizon politique; Les seules par conséquent qui puissent rallier cordialement les canadiens français. La question des écoles a mal tourné. Ils cherchent à se rattacher aux affaires du Nord-Ouest maintenant. Vu que ces affaires sont très populaires à Québec Et que la nation Métisse n'en a pas encore démordu. Monseigneur, Je suis content de la disparition de Clarke, Pourvu que sa chute n'ait pas été acheté à un prix trop élevé. Je suis heureux de l'arrivée de mon ami Dubuc au pouvoir. Quant à notre Premier Ministre actuel, la lettre conjointe que Monsieur Lépine et moi avons eu l'honneur de vous écrire le 30 Sept. 1870, a fait connaître à votre grandeur ce que nous pensions de Lui, et ce que j'en pense encore. Le caractère et les idées de ce Monsieur le placent beaucoup en deçà de nos justes réclamations. Je serais heureux si par sa conduite, il me prouvait que je me suis trompé. Monseigneur, je n'ai pas protesté contre l'absence du gouvernement responsable, par ce que je voudrais autant que possible, ménager Messieurs Girard et Royal. Mon affaire n'est pas de renverser qui que ce soit, si je puis faire autrement. Je veux ériger. Pour cela, j'ai besoin d'aides. J'ai besoin que vous soyez toujours là pour me protéger, pour nous protéger et surveiller notre ouvrage. Non! Monseigneur, je ne voudrais pas faire connaître les tergiversations, les indécisions de Monsieur Royal, non plus que la placabilité de l'Honorable sénateur Girard. Je souhaite que ces Messieurs soient toujours avec les Métis, et que leurs plus grandes sollicitudes politiques se concentrent pour l'accomplissement de l'acte de Manitoba. Monseigneur, quand en 70, vous avez accepté votre mission du Canada, j'ai toujours compris que vous l'acceptiez dans le but d'empêcher des excès des deux côtés, et de ménager entre le Canada et le nord ouest un bon arrangement or cet arrangement se trouve en grande partie consigné dans l'acte de Manitoba. Cet acte comporte nos plus inébranlables guarantis. C'est donc à l'accomplissement de cet acte que les canadiens dont nous avons besoin et que nous choisissons pour représentants, doivent travailler. De la façon que je viens de dire, l'acte de Manitoba est aussi votre ouvrage. Monseigneur, veuillez vous intéresser à la véritable inauguration du gouvernement responsable, comme vous vous êtes intéressé et vous avez réussi à faire bien décrire nos 1,400,000 acres de terres. Nos libertés individuelles sont foulées aux pieds par l'absence de l'amnistie, et nos libertés constitutionnelles par l'absence du gouvernement responsable. Sans réélection notre ministère ne sera pas responsable. Monseigneur, Que Dieu vous conserve! Puissé-je avoir bientôt le bonheur d'aller m'agenouiller à vos pieds, dans votre archevêché. C'est Dieu qui nous guide. Bénissez-moi. De votre grandeur le très humble et très dévoué serviteur et protégé Louis Riel